LE BREVET : inutile mais indispensable

"Quand en victime, on se pose, son brevet, vite, on dépose."
Charles de Leusses

Que choisir ?

Si vous désirez partir à la chasse à l’éditeur l'âme en paix, je vous recommande chaudement de faire breveter votre manuscrit.

Breveter est un grand mot, l’idée ici est de prouver de manière légale l'antériorité de votre travail en cas de litige. En des termes moins juridiques, il faut avoir matière à démontrer que vous êtes le premier à avoir écrit cette œuvre d’art qu’est votre livre.

Les solutions abondent mais ne se valent pas toutes.

Voici donc LE comparateur qui vous permettra peut-être de trancher sur la démarche étant la plus en accord avec votre bourse et votre paranoïa du plagiat.

  Fiabilité Argent ! Durée de validité Comment ça marche
LRAR
Lettre recommandée avec accusé de réception
3/5

Deux risques majeurs:
  • vous perdez/ouvrez l’enveloppe
  • l’étiquette de la recommandée se décolle
5 € d’affranchissement
? Impression + reliure
Bref, une dizaine d’euros tout au plus
50 ans Adressez-vous une lettre avec accusé de réception et prenez soin de coller l'étiquette de la recommandée sur le rabat de l'enveloppe afin de pouvoir prouver qu'elle n'a pas été ouverte.
L'enveloppe Soleau
2/5

L'enveloppe ne peut contenir que 7 pages A4 et ne rend donc pas compte de la totalité de l'œuvre.
Ainsi, si vous êtes victime d’un plagiat bête et méchant (copier-coller) vous ne pourrez prouver l’antériorité des lignes plagiées car votre enveloppe Soleau ne contiendra qu’un résumé de votre livre. EH OUI !
15 € 5 ans renouvelables une fois Proposée par l'INPI(Institut national de la propriété industrielle), cette enveloppe contient un résumé détaillé de votre œuvre (fiche détaillée des personnages, trame de fond...).
Elle est composée de deux parties : la première vous sera renvoyée et l’autre sera gardée par l’INPI pendant 5 ans.
La lettre recommandée électronique
4/5

Depuis le 2 février 2011, la lettre recommandée électronique est (presque) l’équivalent juridique de la traditionnelle lettre physique avec accusé de réception.
5 €
Petite arnaque ici... En passant par la Poste : la lettre recommandée numérique est au même prix qu’une lettre recommandée physique (5,10 € - contre 5,05 € pour l’affranchissement d’une lettre recommandée de 50 - 100 g)
50 ans Il est question ici d’envoyer un mail dans des conditions bien particulières : il faut qu’il soit “acheminé par un tiers selon un procédé permettant d'identifier le tiers, de désigner l'expéditeur, de garantir l'identité du destinataire et d'établir si la lettre a été remise ou non au destinataire" (article 1369-8 al. 1er).
Les espaces d'archivage
4/5

Bien que la durée de validité d’un dépôt numérique soit importante, il n’est pas impossible que la société qui en a la charge mette la clé sous la porte ou, plus probable encore qu’elle fasse les frais d’un “problème informatique”.
Dans ce fâcheux cas, votre dépôt disparaît et vous n’êtes plus protégé...
10 - 20 € 1 vie + 70 ans Il suffit ici d’uploader votre manuscrit sur un site web proposant une solution d’archivage (Copyrightdepot, Digicoffre, ...).
Dans l’idéal, le fichier déposé doit être crypté et transféré de manière sécurisée ( https).
Dépôt chez un notaire/huissier
5/5
100/150 € 1 vie + 70 ans Le notaire ou l’huissier enregistre le dépôt du manuscrit et vous procure une copie de l'acte d'enregistrement (de la même manière qu'un bon vieux testament).
Génération d’une empreinte numérique
5/5

Bien qu’elles soient encore mal reconnues en France les empreintes numériques sont infalsifiables. Elles sont largement utilisées dans la crypto-monnaie (bitcoin).
10-20 € 1 an À la différence des solutions de stockage classique, une empreinte numérique (ou certificat) est générée à partir de votre fichier. En cas de litige, vous présentez le fichier protégé au tiers de confiance et ce dernier en vérifie la validité.
(cf. SGDL (Société des Gens de Lettres de France) dépôt par empreinte numérique CLEO).

L’illusion de la sécurité

Ladies and gentlemen… je suis profondément navré de vous l’apprendre, MAIS que vous ayez allongé 150 € auprès d’un notaire ou 7,50 € pour une lettre recommandée, vous n’êtes nullement à l’abri de reconnaître un jour votre histoire dans un bouquin où, en 4ème de couverture, trônera la photo d’un autre.

CASH INVESTIGATION !

Comment diable est-ce possible ? Votre intrigue, vos personnages dans un autre livre ? Vous allez faire payer à ce sale plagieur le vilain tour qu’il vous a joué. Armé d’un surligneur, vous reprenez votre lecture à la première page et striez les pages de belles marques jaunes.

156 pages de frustration plus tard, vous faites les comptes. Vos personnages ont changé de nom, la chute de l’histoire a été modifiée, mais l’essence de votre écrit, elle, ce qui en faisait l’originalité, a été abusivement copiée.

Comment a-t-on eu accès à votre livre…. ?

Peut-être est-ce à cause de l’un des manuscrits que vous avez déposés en libre service dans les bibliothèques de votre quartier ?

Tristesse, vous qui pensiez avoir fait preuve de bon sens en distribuant votre œuvre à qui voulait la lire. VOTRE précieux n’est plus.

Rhaaa ! Peu importe, l’heure est à la vengeance : vous allez le retrouver et lui faire amèrement payer cet affront.

Recherche google Francis Duplagiat

« Lecteur pour le LeColibriEnSlip Édition’», attendez voir... Vous ouvrez votre fichier Excel contenant le listing des éditeurs auxquels vous avez soumis votre œuvre et découvrez le pot aux roses :

NOM ADRESSE RETOUR DATE D'ENVOI
Gallimard Éditions Gallimard
5 rue Gaston-Gallimard
75328 Paris cedex 07 FRANCE
Négatif 1 nov.
LeColibriEnSlip 54 rue de l'impasse
75327 Paris Cedex 07
? 28 oct.
Hachette Hachette Jeunesse Roman
Comité de Lecture
58 rue Jean-Bleuzen
CS 70007
92178 VANVES CEDEX
Négatif 1 nov.

Tout s’explique ! Voilà pourquoi vous n’avez pas reçu la traditionnelle lettre de refus de la part de cet éditeur : votre manuscrit est tombé entre les mains d’un lecteur peu scrupuleux qui a préféré s’inspirer de votre travail plutôt que de la défendre auprès de sa direction.

“Mortecouille !” ça ne se passera pas comme ça ! Comme tout brave écrivain en herbe, vous avez assuré vos arrières au moyen d’une bonne vieille LRAR (une lettre recommandée avec accusé de réception contenant la version finale de votre œuvre). Si vous parvenez à remettre la main dessus (Est-elle dans le carton de déménagement que vous n'avez jamais déballé, ou peut-être dans le grenier ?) l’affaire sera vite pliée.

Vous passez un coup de fil à votre mairie et demandez quel jour il est possible de consulter gratuitement un avocat (CECI est une info en or) et passez la nuit à monter un dossier en béton armé.

Le mercredi suivant, par un beau soleil de printemps, vous entrez le cœur vaillant dans la mairie de votre bourgade et demandez à rencontrer Maître Lafourche. Vous vous retrouvez en l’espace de 20 minutes en tête à tête avec ce bon vieux monsieur disponible et affable.

- «Monsieur, l’affaire que vous me présentez ici n’est pas évidente. Je ne saurais vous recommander d’entamer une procédure judiciaire à l’encontre de M. Duplagiat si ce dernier ne vous a pas purement plagié mais s’est “seulement” inspiré de votre œ œuvre. Voyez-vous, d’un point de vue juridique, la nuance a toute son importance. Avez-vous identifié des passages en tout mot identiques à votre oeuvre ?»

Si la réponse à cette question est non, je ne vous cache pas que votre situation est délicate : il n’est pas chose aisée de porter plainte pour plagiat si ce dernier n’est pas ÉVIDENT.

MALHEUREUSEMENT, je suis loin d’être apte à vous conseiller juridiquement et vous invite par conséquent à vous informer auprès d’une autorité compétente si ce genre de problème vous arrive.

En revanche et pour ce que ça vaut : si jamais la situation se présentait à vous, je vous recommande chaudement de prendre contact avec la maison d’édition en question afin qu’à minima ce lecteur ne réitère pas l’expérience (et pour que son nom soit sali à tout jamais dans le domaine de l’édition … Mouahahah !).

Conclusion

Si plagié vous êtes, il sera ardu de vous en rendre compte et plus encore de trouver raison auprès d’un tribunal (sans parler des milliers d’euros à débourser pour initier les procédures).

En fin de compte, faut-il ou ne faut-il pas protéger son écrit ?

Pour ma part et pour la modique somme de 7,50 €, je m'adresse toujours une version de mon manuscrit en recommandé (imprimez-le en corps 8, ainsi il ne pèsera que 100 g et, par conséquent, son affranchissement vous coûtera moins cher). De plus, je ne saurais vous conseiller de le stocker en lieu sûre (le buffet de la grand-mère / …) et d'y annoter au stylo rouge "NE PAS OUVRIR".

Même s’il est plus que probable que vous n’ayez jamais à vous en servir, faire breveter son œuvre est un moment important dans le processus d’écriture. Ce rite de passage met un terme au travail de réécriture et annonce le début de la saison de la chasse à la maison d’édition.

Affaire à suivre ...

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